Nom de dieu, mes pruneaux!

Vers la fin de ma préadolescence, vers 13-14 ans, je fus affublé, selon les dires de mes parents et leur ouï-dire, de « terreur des vergers du quartier ». C’est vrai que nous possédions au jardin un prunier généreux, mais les fruits des autres, dont je me gavais régulièrement et que je maraudais à l’envi me semblaient meilleurs.

Juste en face de chez nous, trônait un mirabellier dont la douceur des fruits me laisse encore une apétence féérique. Il suffisait de grimper sur la barrière qui me donnait accès au toit du garage sur lequel je me couchais, les pieds dans le chéneau et il n’y avait plus qu’à déguster !

Il me souvient aussi du potager (qui n’était pas mon pote âgé) d’un ancien directeur d’école qui prenait un soin abyssal à entretenir ses légumes, mais surtout ses fraises énormes sous lesquelles il installait un petit nid de paille, ce qui me permettait de les passer directement du plan à ma gourmandise.  Un délice ! A d’autres endroits, elles étaient aussi exquises, mais il fallait nettoyer la terre !

Pour en venir au titre de mon pamphlet, un agréable soir d’août, associé à mon frère, terreur des vergers bis et à un compère maraudeur du même acabit, nous avions repéré des pruneaux XL qui poussaient en abondance. Nous avions pris soin de passer par derrière la maison en descendant un gros crêt, sans bruit. Assis sous l’arbre d’abondance, nous nous régalions généreusement. Soudain, un grand bruit retenti et un homme furax, renversant tout sur son passage et brandissant une fourche hurla « nom de dieu mes pruneaux », en nous chargeant comme une bête enragée.

Rapides comme l’éclair, nous remontâmes le « béquet » abrupt, enjambâmes la barrière de deux mètres de haut avec cette agilité de gosses dont nos escapades en forêt et la grimpe aux arbres nous avait gratifié. Le temps que le belliqueux, aveuglé par la haine et la colère passe par le portail, nous étions planqués tout près et guettions sa réaction. Furibard, il marchait d’un pas empressé à notre recherche en répétant tous les dix mètres « nom de dieu mes pruneaux » ! Nous le suivîmes à quelque distance, hilares, en pouffant de rire. Quand il bifurqua pour rejoindre ses pruneaux, nous rejoignîmes une autre rue à la recherche d’une quelqu’autre gourmandise, notre satiété ayant été interrompue !

Clodo