On n’ira pas dire qu’elle sent la naphtaline, mais juste sa façon de se fringuer annonce déjà un sentiment d’une banalité affligeante ou le terme mal fagoté prend toute sa signification. Elle ne doit pas non plus faire la fortune de coiffeurs avec sa tignasse grasse et fillasse. Mais par contre, il faut reconnaître qu’elle fait un effort côté maquillage. Sûr qu’elle doit guetter les actions et les soldes du rayon cosmétique des grandes surfaces pour mettre sur sa tronche minable autant de saloperie bon marché avec une telle fadeur. Elle doit avoir lu dans une de ces revues débiles qu’une nana se devait d’être travestie à coups de pinceaux et de crayons gras. Avec elle, on hésiterait entre des peintures de guerre primitives et des dessins d’enfants maladroits. Il doit exister un musée des horreurs où elle a son portrait.

Tout en elle transpire le mauvais goût. Avec son physique insignifiant, ses longues jambes maigres, poitrine inexistante et son cul rabougri, elle se fond dans une médiocrité consternante. Et côté mecs, pas sûr qu’un type moche après des années d’abstinence ait envie de faire chanter quéquette ou ne lève une paupière sur elle, bien qu’elle soit en âge d’y prétendre. Elle a d’ailleurs fait une croix majuscule sur la chose. Qui pourrait donc s’intéresser à cette momie ambulante peu ragoutante ?

Elle n’existe qu’au bureau où on lui donne poliment du « mademoiselle ». En plus, sa personnalité colle à son physique. Elle est d’une redoutable banalité, tient des propos navrants et désobligeants avec ses collègues, qui le lui rendent bien en pouffant d’elle, bien entendu derrière son dos. La « mère pisse-froid », qu’ils la surnomment. Elle maudit aussi les propos de l’obsédé qui la charrie tous les jours à la cantine. Au début, elle rougissait de ses insanités, mais avec le temps, elle s’est mise à le haïr et lui a même une fois jeté le contenu de son verre au visage, s’attirant moqueries et quolibets de l’ensemble du réfectoire.

Elle n’attend que la fin du boulot pour retourner s’enfermer chez elle et s’affaler devant sa télé à regarder des séries et des conneries qui ne la font même pas rêver. Elle vit sa vie comme ça, sans plaisir et sans desseins, dans une platitude désespérante. Combien sont-elles comme elle ?

 Clodo